Concert du 6 janvier 2019 – Chorale Sainte Cécile Carspach

L’histoire de l’amitié qui liait Lucien Dalle Sasse à la paroisse de Carspach – et à sa Chorale Sainte Cécile en particulier – trouve sa source pendant l’année scolaire 1971/1972, où il a été instituteur remplaçant à l’école de Carspach.

Un jour après la classe, M. Feldtrauer, alors directeur de l’école et organiste du village, l’emmène à l’orgue et lui fait une démonstration. Il joue notamment une toccata de Charles-Marie Widor qui a beaucoup impressionné Lucien, voire subjugué. De conversation en conversation, il le convainc que, malgré son âge déjà un peu avancé (…20 ans !) il pouvait se mettre à la musique. Il commence donc à travailler avec lui sur le petit orgue électronique qui était dans sa salle de classe et qui servait aux répétitions. Quelques mois plus tard, il lui conseille de prendre des cours avec M. Gérard, organiste à Altkirch. A la fin de l’année, c’est au Conservatoire de Belfort que Lucien s’inscrit. Il en sort en 1979 avec un prix d’excellence.

C’est ensuite en 1981/82 que M. Feldtrauer, avec la complicité de M. le Curé Stoltz, va le voir à l’école d’Egligen où il est en poste, et le sollicite pour lui donner un coup de main à Carspach. Comment Lucien pouvait-il refuser, puisqu’il avait travaillé sur l’orgue de Carspach pendant des mois ? Il devait bien ça à celui qui lui avait permis de découvrir sa passion pour l’orgue…

C’est ainsi que Lucien Dalle Sasse a commencé à intervenir pour les messes, mais aussi pour les répétitions. C’était l’époque où on travaillait des messes plutôt difficiles comme celles de Schubert, Gretchaninov, Goller… Son doigté remarquable et ses compétences musicales étaient appréciés par tous et, de fil en aiguille, ou plutôt de touche en touche, Lucien devint l’organiste remplaçant officiel jusqu’à reprendre le flambeau et devenir organiste titulaire à son tour.

En même temps, une amitié sincère et solide se noua entre lui et les membres de la Chorale Sainte Cécile. Avec Lucien Feldtrauer et Lucien Weltin, alors chef de chœur, Lucien Dalle Sasse formait une sacrée équipe à la tête de notre chorale et c’est avec amusement qu’on parlait des « 3 Luciens ».

Lucien Dalle Sasse avait un sens aigu du service et de l’engagement, probablement inspiré aussi par la Foi qui l’habitait au fond de lui. On pouvait compter sur lui en toutes circonstances, accompagnant autant les messes d’enterrement en semaine que les célébrations plus heureuses comme les mariages et les noces d’or. On peut affirmer sans hésiter que c’était le programme des célébrations dominicales qui déterminait son agenda personnel et familial.

De la même façon, pour rien au monde il ne ratait une répétition et nous ne mesurions sans doute pas assez la chance que nous avions. Effectivement, denrée rare, notre chorale pouvait se réjouir d’être accompagnée par un organiste à chacune de ses répétitions : Lucien, malgré les kilomètres qu’il avait à parcourir et quelle que soit la météo, était toujours présent. Et c’est sans parler des nombreuses heures de travail qu’il passait à s’exercer à l’orgue ou encore chez lui à la maison. On oublie souvent à quel point une partition doit être travaillée pour arriver au résultat final !

Lucien ne rechignait pas non plus à nous rejouer maintes et maintes fois les mêmes mesures, jusqu’à ce que nous maîtrisions nos partitions. Il tâchait de suivre la direction et c’est aussi sa complicité avec les différents chefs de chœur – Lucien Feldtrauer, Lucien Weltin, Aimé Arnold et Denis Lerdung ad interim – qui nous a permis de travailler en harmonie, pour le plaisir de tous. Et, si nous faisions parfois quelques entorses à la rythmique de la partition, il était bien doué pour rattraper le coup, ce qui n’était pas toujours évident : il nous attendait ou au contraire, sautait quelques mesures. L’assemblée n’y voyait que du feu…

De caractère très discret et humble, c’est au travers de la musique qu’il avait trouvé son moyen d’expression. Il nous a fait cadeau de belles interprétations musicales, notamment quand il faisait résonner les grandes orgues à Noël ou à Pâques, ou encore lors de nos concerts. Il méritait amplement les applaudissements du public, même s’il n’aimait pas beaucoup descendre de la tribune pour se joindre à nous pour la photo de circonstance. Un public et une assemblée qui appréciait sa façon de jouer aussi à la messe du dimanche. Il avait sa touche bien à lui, reconnaissable entre toutes.

De ses problèmes de santé, il ne parlait guère et, malgré la maladie qui l’affectait ces dernières années, il continuait à assurer une présence assidue, autant qu’il  le pouvait. Il savait à quel point il nous était précieux et ne voulait surtout pas nous laisser dans l’embarras. «Tant que j’aurai le moral, je jouerai ! » écrivait-il en janvier 2018 en affirmant que « La chorale s’est transformée en deuxième famille, et ça fait chaud au cœur ». Sans doute pouvons-nous peut-être nous dire que nous avons contribué – au moins un peu – à ce qu’il garde le moral durant sa maladie.

Voilà, il y aurait encore tant à dire sur ce que nous avons partagé avec Lucien au cours de ces quelques 40 ans passés au sein de notre chorale…

Nous avons tous été abasourdis par la nouvelle de son départ en ce début de semaine et c’est avec la gorge nouée et le cœur en peine que nous avons tenu à accompagner Lucien pour son dernier voyage. C’était pour nous une évidence. Notre présence est le plus bel hommage que nous puissions lui rendre, notre façon de lui dire : Lucien, nous sommes venus chanter pour toi parce que nous t’aimons, et aussi pour ta famille que nous voulons accompagner au mieux dans ces moments difficiles.

Et puis surtout, nous chantons cette même Espérance que nous partagions avec toi : cette intime conviction, qu’un jour, nous nous retrouverons… peut-être pour un merveilleux concert céleste ! Ciao Luciano !

(Nathalie Mosser, présidente de la Chorale Sainte Cécile de Carspach

Hommage rendu lors de la célébration d’A-Dieu)